Comment tout cela a commencé, je n’en ai aucune idée. Et puis de toute
façon dans cette histoire le début n’aurait d’importance qu’une mise en
contexte inutilement longue. Ce qui m’a chamboulé, c’est cette évidente
attraction qu’il y a toujours eu entre nous. C’est ce sentiment, depuis
cette fraction de seconde ou nos regards se sont croisés pour la
première fois, que plus jamais mon chemin ne pourrait dévier du sien.
Je n’ai jamais réellement compris ce qui s’était passé, un coup de
foudre peut-être, mais jamais je ne me résoudrai à une explication si
peut rationnelle. Tout ce je sais, c’est qu’il me le fallait, je le
voulais tellement, comme les poumons exigent l’oxygène, j’aurais tué
pour l’avoir à mes côté. Mais pourquoi lui, pourquoi un homme déjà
pris, pourquoi un homme qui ne s’ouvrait jamais entièrement, pourquoi
un homme qui dissimulait tant de choses derrière ce sourire qui ne
faisait que me faire fondre chaque fois? Et pourtant, ces moments
passés avec lui prenaient tellement d’importance, ils étaient tellement
précieux, mais précieux de par leur fragilités, fragiles comme ce rêve
dont on ne veut plus se réveiller mais qui se termine forcément, et on
le sait bien, alors on fait comme si demain plus rien de cela
n’existera. Et c’est peut-être bien cela qui rendait ces moments si
magiques, si forts, et je dis forts parce qu’il me faisait revivre, il
n’y avait qu’en sa présence que j’étais si heureuse, et je
n’appellerais pas cela du bonheur, parce que c’était bien plus que ça,
c’était cette joie dont on est accro, cette euphorie qui nous envahie
et dont on ne peut plus se passer ensuite. Ma vie se déroulait quand
j’étais avec lui, le reste n’étais à mes yeux que futilité, ces moments
où il n’était pas là ne comptait pas, ce n’était que du temps gaspillé
parce que je ne leur trouvais plus aucune raison d’être. Et moi je
m’accrochais à lui comme une sangsue n’a que le seul but de s’accrocher
à un bout de peau, l’idée de lâcher prise n’étant même pas dans ses
choix. Mais je ne faisais pas exprès voyez-vous, quand bien même
j’aurais souhaité que ça se passe autrement, je vous jure que j’ai
essayé, ma vie sans lui était impossible. Je risquais de le perdre à
tout moment, et ce n’est pas le goût du risque qui me ramenait
constamment vers lui, parce que cette situation me déstabilisait au
plus haut point. Je recherchais donc une stabilité dans ce qui n’était
que continuellement en mouvement, je recherchais la certitude dans
l’incertitude. Mais des liens tellement forts me rattachaient à lui, il
est rapidement devenu une part de moi et puis comment éviter tout cela,
je n’en sais foutrement rien. Une dépendance comme celle-ci ne vient
pas de moi, non, jamais auparavant je n’avais fait mon bonheur en
fonction de quelqu’un d’autre, mais alors que j’étais certaine d’avoir
le contrôle absolu sur mon existence, il est venu tout remettre en
question, il est venu détruire des centaines et des centaines de
barrières que je m’étais construit. Tout mon univers, tout ce que
j’avais accumulé avec les années, il l’a détruit en quelques secondes,
comme un seul souffle suffit pour détruire un château de cartes que
l’on construit de peine et de misère, et qui prend paresseusement de
l’expansion. Ce qui s’est passé avec cet univers, je sais seulement
qu’il a disparu, que plus jamais je ne l’ai entrevu, car cet homme qui
aux yeux des autres eut-il l’air insignifiant l’a entièrement
constitué, il en a pris le centre comme si tout de cela lui
appartenait. J’ai été folle, tellement folle de m’attacher ainsi à un
homme dont le cœur ne m’appartenait même pas, folle d’être ainsi prête
à me donner entièrement à lui alors qu’il ne m’offrait rien du tout en
retour, mais en moi il était encré et plus jamais il ne me quitterais,
en tout cas pas en pensées, parce que comme je l’avais anticipé un jour
il est parti, me laissant seule dans ses millions de larmes que j’ai
versé à culpabiliser de ce que j’aurais dû faire ou ne pas faire. Il a
quitté aussi vite qu’il était apparu, enfin c’est ce qu’il m’a semblé,
laissant ce vide que jamais personne autre que lui ne pourrais combler.
Et j’ai par la suite connu la stabilité, cette relation confortable et
douillette dépourvue de craintes et de peurs, enfin j’aurais dû avoir
ce que je recherchais, un homme que j’aime et qui m’aime en retour,
mais cela ne m’a pas suffit, car l’intensité de ce que je ressens pour
cet homme ne m’a plus jamais quitté, il est resté le centre de mon
univers malgré le temps qui a laissé ses marques, malgré les autres
moments de bonheurs qui auraient dû combler ce vide. Es-ce nous qui
créent notre propre destin, ou si c’est le destin qui nous mènent vers
le droit chemin, je n’en sais rien mais mes pensées se tournaient
continuellement vers lui, impossible de faire autrement. J’avais tout
laissé tombé pour lui, en vain, le résultat avait été pitoyable, me
laissant seule et le cœur en miettes. Je m’étais relevé et les
morceaux, avec énormément de temps se sont recollés, je ne croyais
jamais m’en sortir mais j’ai bien retrouvé le bonheur, et ce n’étais
qu’une leçon en conclurez-vous, mais non pas du tout, parce qu’il est
revenu et que j’ai cédé. Je m’étais reconstruit, moi qui n’était que
ravage après la pire des tempêtes, moi qui avais tombé de si haut et
dont la chute avait semblé ne jamais vouloir prendre fin, j’avais enfin
réussit à entrevoir la lumière au bout du tunnel, cet espoir dont on a
été privé tellement longtemps que l’on a de la difficulté à le
reconnaître lorsqu’il se montre le bout du nez, et puis j’ai tout
laissé tombé, mon univers s’est effondré une seconde fois lorsqu’il est
revenu , il en a reprit le centre, comme s’il lui avait toujours été
destiné. J’ai tout détruit ce que j’avais reconstruit, pour
reconstruire avec lui, le risque n’étant rien comparé à ce besoin que
j’avais, que j’ai, et que j’aurai toujours d’être auprès de lui. Et
enfin, enfin dieu du ciel j’ai eu ce dont j’avais rêvé tellement
longtemps, une place de choix dans son existence, cette place que
j’avais tellement envié à ces femmes qui l’avaient eues pendant que moi
je cessais de vivre pour lui, et c’est probablement de ces deux femmes
que je serai toujours le plus jalouse, jalouse qu’elles l’aient eu
avant moi, qu’un jour elles l’aient eu et pas moi. Oh, ce n’est rien de
personnel, mais un certain sentiment de compétition s’est installé,
parce qu’elles aussi ont eues son cœur, et puis suis-je à leur hauteur
je l’ignore, ce que je sais c’est que je les regarderai toujours avec
respect et envie, derrière mes mots pour les rabaisser se cache ce
besoin que j’ai de me sentir à leur hauteur. Suis-je assez différente
d’elles pour que l’amour qu’il me porte ne se brise pas, pour qu’une
fois il n’ait pas envie d’aller voir ailleurs? Peut-être ces questions
sont-elles inutiles, mais comment espérer une relation solide de deux
personnes qui n’ont connus qu’infidélité? Je répondrai que oui, elles
sont inutiles, parce que malgré mes raisons de manquer de confiance en
lui et en nous, j’éprouve pour lui un amour inconditionnel, un amour
des plus profond, un amour qui déborde même sur la folie, la folie
d’être prête à tout pour ne plus souffrir de son absence, un amour qui
me colle à lui, un amour qui fait que sans lui je tombe parce qu’il
n’existe rien de plus fort qui pourrait me donner une raison de vivre.
Je me battrai toute ma vie s’il le faut, je verserai toutes les gouttes
de sang possible quitte à me vider complètement, je ferai tout pour le
garder près de moi et le rendre heureux, parce que cet homme je ne
l’aime pas, je l’ai dans la peau, il coule dans mes veines comme une
drogue qui me tuerais si un jour je venais à en manquer.